C'est la rentrée, soyons reconnectés !

Si toutefois nous avons réussi à nous déconnecter ne serait-ce qu’un peu pendant l’été... 
Le thème de l’hyperconnexion est partout ces dernières semaines. Après le documentaire « Hyperconnectés : le cerveau en surcharge » diffusé par Arte au début du mois, Télérama se penche cette semaine sur le sujet


Avec comme question centrale les dangers liés à l’état de réceptivité permanente voire de servitude volontaire dans lequel nous plongent nos smartphones. Parce que ce qui pose problème, ce n’est pas, bien sûr, la technologie mais notre incapacité à nous auto-réguler. Difficile de rester injoignable ne serait-ce que quelques heures, de résister à la tentation de vérifier ses mails et de se débarrasser du réflexe ‘Google/il y a une app pour ça’. 



Au-delà des effets néfastes sur notre cerveau (perte de concentration, stress mais aussi, à plus long terme, effets négatifs sur la mémoire), c’est sans doute la perte de liberté, la perte de pouvoir sur des outils censés nous servir qui est la plus inquiétante. Comme le résume le philosophe Maurizio Ferraris, auteur d’un livre sur le sujet, « On peut vivre sans smartphone mais il faut être très puissant. Il faut être un surhomme. »

Etre un surhomme pour résister à la pression en prenant le risque de rester hors de la vie connectée. Car pour l’heure, à moins de faire preuve d’une auto-discipline de fer, difficile de trouver seul une alternative au choix entre disponibilité totale et permanente et sentiment d’exclusion/FOMO.

Pour résoudre ce dilemme, l’ingénieur Tristan Harris, ex-"philosophe produit" de chez Google, propose d’imaginer des applications qui permettraient aux utilisateurs de reprendre le contrôle. Paramétrer plus finement les outils  serait un moyen d’aboutir à une utilisation mieux maîtrisée et à davantage de liberté. « Même si nous en avons pleinement conscience, nous sommes sans cesse en train de rafraîchir nos écrans, nous ne pouvons pas nous en empêcher. » 
C’est donc aux concepteurs d’intervenir et d’aller à l’encontre de ce que souhaitent les géants du web –que l’utilisateur passe/perde un maximum de temps sur leur interface – pour proposer des outils qui fournissent une expérience de qualité. 

Harris, qui considère scandaleux que des millions d’heures soient volontairement volées aux internautes, propose que la valeur d’un site ou d’une appli soit évaluée selon sa contribution en « net good times », c’est-à-dire selon le total des moments positifs fournis moins le temps passé à chercher, scroller ou être distrait. Il fait un parallèle entre la nourriture bas de gamme vs. l’alimentation bio et la technologie qui aliène – encore une fois, délibérément – vs. celle qu’il souhaite voir émerger, qui ouvrirait une nouvelle catégorie et permettrait de passer de la notion de « temps passé » à celle de « temps bien utilisé ». Pour aller plus loin, le site de Tristan Harris : http://timewellspent.io/ 

Mais au-delà des notions de disponibilité et de temps passé, la question posée est aussi celle de l’état d’esprit que nourrissent nos smartphones, état d’esprit entièrement guidé par à la volonté de gagner du temps et d’être toujours plus productif. Il y a quelques jours, Big Browser traduisait un article du futurologue Dan Clay. Une vision pessimiste d’un futur saturé d’applications, toutes destinées à nous faire gagner en productivité, avec pour résultat un quotidien bien triste et sans surprise. 

Chaque moment de vie étant optimisé – qu’il s’agisse du choix d’un partenaire ou du plateau télé – , l’inattendu n’existe plus, les sélections sont opérées par des algorithmes donc parfaites… donc profondément ennuyeuses. "Nous sortirons avec notre partenaire parfait, et en regardant dans les yeux notre idéal algorithmique, nous serons submergés de curiosité pour tous ceux que nous n’avons pas rencontrés. Nous regarderons seulement de la bonne télévision et mangerons de la bonne nourriture." (Dan Clay, traduit par Big Browser)


Smartpocalypse animée : "Way Out" de l'illustrateur Yukai Du 

A moins que le fait de marcher le nez sur son écran ne soit l’occasion d’une collision heureuse et d’une belle découverte ou rencontre… 

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